Le phœnix grec
La première mention du phénix se trouve dans un fragment énigmatique d'Hésiode :
« La corneille babillarde vit neuf générations d'hommes florissants de jeunesse; le cerf vit quatre fois plus que la corneille; le corbeau vieillit pendant trois âges de cerf; le phénix vit neuf âges du corbeau et nous vivons dix âges de phénix, nous, Nymphes aux beaux cheveux, filles de Zeus armé de l'égide[1]. »
Hérodote est le premier à fournir une version détaillée du mythe :
« On range aussi dans la même classe un autre oiseau qu'on appelle phénix. Je ne l'ai vu qu'en peinture; on le voit rarement ; et, si l'on en croit les Héliopolitains, il ne se montre dans leur pays que tous les cinq cents ans, lorsque son père vient à mourir. S'il ressemble à son portrait, ses ailes sont en partie dorées et en partie rouges, et il est entièrement conforme à l'aigle quant à la figure et à la description détaillée. On en rapporte une particularité qui me paraît incroyable. Il part, disent les Égyptiens, de l'Arabie, se rend au temple du Soleil avec le corps de son père, qu'il porte enveloppé dans de la myrrhe, et lui donne la sépulture dans ce temple. Voici de quelle manière : il fait avec de la myrrhe une masse en forme d'œuf, du poids qu'il se croit capable de porter, la soulève, et essaye si elle n'est pas trop pesante; ensuite, lorsqu'il a fini ces essais, il creuse cet œuf, y introduit son père, puis il bouche l'ouverture avec de la myrrhe : cet œuf est alors de même poids que lorsque la masse était entière. Lorsqu'il l'a, dis-je, renfermé, il le porte en Égypte dans le temple du Soleil[2]. »
Hérodote, qui tire probablement ses informations d'Hécatée de Milet, considère donc le phénix comme un oiseau réel, qu'il rapproche du bénou, un oiseau sacré égyptien. Vivant sur la benben ou sur le saule sacré d'Héliopolis, le bénou est une manifestation du dieu Rê et du dieu Osiris; il est associé au cycle sothiaque. Cependant, certains détails cités par Hérodote ne cadrent pas avec les conceptions égyptiennes : ainsi de l'apparition tous les 500 ans et de l'ensevelissement du père[3]. On a suggéré une mauvaise compréhension par Hérodote du symbole égyptien[4] : il aurait interprété comme une filiation physique la relation entre le bénou et les divinités dont il est le bâ (manifestation temporaire)[5]. Selon d'autres, le phénix que décrit Hérodote n'aurait en réalité pas de rapport avec le bénou, mais serait la variante grecque du mythe oriental de l'oiseau du soleil; ce phénix aurait symbolisé très tôt la « grande année », c'est-à-dire la durée nécessaire à un cycle équinoxial complet, et son association au cycle sothiaque serait postérieure[6].